Ambassade du Portugal

L'ambassadeur Jose de la Pobla de Vallbona y Torrevieja y Almuñécar y Logroño, résidant depuis de nombreuses années à Lisbonne, à deux pas du Palais Royal, vit avec amusement, alors qu'il déambulait en charmante compagnie dans les allées du Palácio Real de Queluz, les diplomates étrangers se presser vers les grands escaliers de marbre.

Les relations lusitano-espagnoles, monument de complexité, étaient si ambiguës que nul dignitaire, des deux côtés du Guadinia, ne voyait d'intérêt à remplacer les actuelles concordances tacites par des relations plus conventionnelles.

L'ambassadeur Jose de la Pobla de Vallbona y Torrevieja y Almuñécar y Logroño se présenta au Ministère des relations extérieures portugais et demanda à être reçu par le Ministre. Une fois en sa présence, et après les habituelles échanges de politesses, il put remplir sa mission et délivrer le message du Roi Charles IV :

Sa Majesté, que je représente ici, m'enjoint de vous exprimer son profond ressentiment quant à certaines de vos pratiques commerciales. Nos services de douanes et de renseignement nous ont appris que les marchands portugais qui cheminent toute l'Ibérie pour gagner l'Europe participent de façon majoritaire au commerce de ce que le reste de l'Europe appelle désormais, à notre plus grand regret, le tabac espagnol - c'est à dire l'opium.
Nos contrôles se sont intensifiés, au risque d'entraîner des tensions supplémentaires entre nos deux nations. Sachez que nous comptons sur votre gouvernement pour faire cesser ce trafic, dont les plus importants transporteurs restent les navires anglais, qui accostent par la suite dans vos ports.

Mon souverain et le Ministre Urquijo y Muga vous conseillent à ce sujet d'adhérer à notre politique de fermeture vis à vis du commerce anglais ; ne craignez pas leur odieux chantage ; votre peuple est brave, et ne saurait tolérer plus longtemps que ses intérêts soient pris en otage par un pays sans scrupule. L’Espagne pourrait vous protéger bien plus efficacement, et sans vous traiter en esclaves.

Si cela ne vous dérange pas, j'attendrai la réponse de votre gouvernement dans l'antichambre, afin de la faire parvenir diligemment à mon Roi.

La Reine, quand elle apprit cela, convoqua le diplomate et lui dit:
Comment osez-vous nous accuser de trafiquer de l'opium, ainsi que nos alliés anglais? Certes, un trafic a bien lieu, que nous tentons tant bien que mal d'endiguer. Mais l'opium n'est transporté ni par des navires portugais, ni par des navires anglais. Au contraire, il transite, nous en sommes certains, par l'Amérique espagnole.

Le diplomate, devant le ton peu respectueux de la Reine -que toute l'Europe considérait comme à moitié folle depuis quelques années, se permit une réponse directe :

Je suis désolé, vôtre Majesté, mais mes informations sont formelles ; l'opium provient des navires anglais et portugais, seules puissances - si l'on exclut les Provinces Unies-commerçant en Inde et en Extrême-Orient. Vous ne devez pas ignorer, à moins d'être particulièrement inculte, que l'Espagne ne possède aucun comptoir à proximité des terres où l'opium est produit, les Philippines s'étant depuis peu révoltées contre notre présence.

De plus, votre gouvernement a omis de répondre à mon souverain concernant vos intentions vis à vis du commerce anglais ; si vous ne cessiez pas ces échanges, nous serions au regret de fermer nos frontières à vos marchands. Confirmez-vous ou infirmez-vous votre alliance avec ce pays, qui est l'ennemi de l'Espagne depuis tant d'années ?

L'ambassadeur Jose de la Pobla de Vallbona y Torrevieja y Almuñécar y Logroño se présenta au Ministère des relations extérieures portugais et demanda à être reçu par le Ministre. Une fois en sa présence, et après les habituelles échanges de politesses, il put remplir sa mission et délivrer le message du Ministre Cevallos :

Le Ministre d'Etat Pedro Cevallos me charge d'avertir votre gouvernement que conformément à la loi du royaume d'Espagne, un groupe de trafiquants portugais, arrêté il y a une semaine en Galice, tentant de faire embarquer pour la France de l'opium camouflé dans des lots de bois exotique, et après un jugement rendu par le parlement et la cour de justice de ce royaume de la couronne espagnole, a été reconnu coupable et exécuté immédiatement après l'arrêt.
Mon gouvernement tient à vous assurer qu'il n'avait aucune mauvaise intention envers vous, mais uniquement envers ces margoulins. Nous profitons de cette occasion pour renouveler nos offres d'aide commerciale, et ce afin de vous permettre de rompre vos relations avec l'Angleterre, pays ennemi de mon Roi depuis la paix de Bâle et le traité de San Ildefonso. Dans le cas de refus de votre part, nous serions forcés d'interrompre toute relation commerciale avec votre royaume et vos colonies, ne voulant plus souffrir l'inondation de produits anglais et autres contrebandes qui détruisent l'économie locale et nuisent aux intérêts coloniaux espagnols.

Enfin, Pedro Cevallos ayant appris les efforts de réarmement des milices portugaises entrepris récemment, il vous fait part de sa perplexité et de son étonnement et espère que vous ne ruinerez pas votre faible nation dans le but vain et capricieux d'entraîner vos pécheurs à marcher au pas.

Si vous continuez à nous insulter et à nous traiter comme des enfants, vous risquez d'avoir des ennuis, fut la seule réponse qu'obtint Jose de la Pobla de Vallbona y Torrevieja y Almuñécar y Logroño.

Mon souverain et son Secrétaire seront fort contrits de votre réponse négative et colérique. Nous espérons que votre renfrognement ne sera pas définitif et que votre bouderie n'est que l'effet passager de votre immaturité.
Jose de la Pobla de Vallbona y Torrevieja y Almuñécar y Logroño s'inclina et partit promptement pour son ambassade, où l'attendaient ses trois maîtresses lusitaniennes, envoyés comme cadeau par le nouveau maître de l'Espagne, Cevallos.

L'ambassadeur Jose de la Pobla de Vallbona y Torrevieja y Almuñécar y Logroño regardait depuis sa berline, stoïque et concentré, la lueur de l'incendie qui montait dans la douce nuit lisbonnaise. Avec lui se trouvait son attaché culturel, Silvo Giorciza, qui semblait beaucoup moins confiant que son maître quant à la sécurité de leurs personnes.

- Votre Excellence, ne vaudrait-il mieux pas partir immédiatement pour l'Espagne ? Valladolid n'est qu'à deux heures de route. En restant ici, nous risquons d'être découverts par ces gredins et qui sait ce qu'ils...
- Silence, Silvo. Nous sommes assez loin, nous ne risquons rien.

L'Ambassade d'Espagne, ce magnifique hôtel particulier entouré de jardins à l'anglaise, ce haut-lieu d'histoire et d'héroïsme, partait en fumée, réduite en cendres par cette bande de pécheurs, de paysans, de moines et de marchands qui l'avait assailli à la tombée de la nuit. Par chance, Silvo, sur l'ordre du diplomate, avait justement mis en sureté dans une malle les documents et objets les plus importants de l’ambassade, et lorsque les gardes avaient annoncé l'arrivée prochaine de cette marée de margoulins, ils avaient eu le temps de faire atteler la berline et charger la malle, puis de s'enfuir quelques centaines de mètres plus loin pour suivre la suite des évènements. Mais les intentions de la populace s'étaient vite éclaircies, lorsqu'elle n'avait pas hésité à attaquer les gardes. Les ordres laissés par Jose de la Pobla de Vallbona y Torrevieja y Almuñécar y Logroño avaient été suivis ; tout le personnel avait quitté les lieux sans chercher à les défendre en rependant le sang, et la foule, livrée à elle-même, avait entrepris de saccager la résidence de l'ambassadeur d'Espagne, en scandant "Mort aux espagnols !", "Vive la Reine !" ou encore "A bas Godoy !".

- Excellence, j'insiste, il faut que nous partions.
- Très bien, Silvo. Cocher ! En route.

L'ambassadeur sortir quelques lettres de son manteau, les parcourut du regard puis les brûla à la flamme de la lampe à huile qui éclairait l'intérieur de la voiture. Les sceaux du Premier Secrétaire Cevallos fondirent jusqu'à devenir un petit tas informe de cire, et Jose lança les restes par la fenêtre.

Un courrier espagnol apporta la missive suivante au Palais royal portugais, puis s'en fut bien vite, par des chemins détournés, la populace portugaise étant particulièrement remontée contre les dirigeants de son pays. Ces gens-là n'avaient vraiment aucune retenue - dire qu'il allait falloir mener une guerre contre de si misérables adversaires !

Citation :

Nous Charles IV de Bourbon,

Roi de Castille, de León, d'Aragon, des Deux-Siciles, de Jérusalem, de Navarre, de Grenade, de Tolède, de Valence, de Galice, de Majorque, de Minorque, de Séville, de Sardaigne, de Cordoue, de Corse, de Murcie, de Jaen, des Algarves, d'Algésiras, de Gibraltar, des îles Canaries, des Indes orientales et occidentales, de la terre ferme et des îles des mers océanes ; duc de Bourgogne, de Brabant, de Milan, comte de Flandre, de Tyrol et de Barcelone, duc d'Athènes et de Néopatrie, seigneur de Biscaye et de Molina, marquis d'Oristan et de Gozianos ;

I] constatant les actes barbares commis à l'instigation du gouvernement portugais contre nos ressortissants et contre notre ambassadeur ;
II] considérant l'alliance anglo-portugaise comme un danger pour l'équilibre commercial et militaire dans la péninsule ibérique ;
III] déplorant l'état d'abandon et de misère auquel le Royaume du Portugal se trouve réduit depuis qu'une Reine à moitié folle et un régent trop inexpérimenté sont en charge de la conduite de l'Etat ;
IV] trouvant indigne la façon dont l'Angleterre a soumis une nation indépendante à ses intérêts mercantiles, détruisant son économie et exerçant le plus odieux des chantages sur ses colonies ;

déclarons officiellement la guerre au Royaume du Portugal et à tous ceux qui se prétendraient ses alliés.

] Nous reconnaissons le Général Egliesias comme Généralissime des armées d'occupation. L'amiral Zapatero dirigera le blocus maritime.
II] Le but de cette opération n'est pas de dévaster nos voisins, mais bien de libérer les terres portugaises des influences étrangères, en les annexant à la couronne espagnole.
III] Cette action militaire entre dans le cadre du traité de San Ildefonso.

Nous nous en remettons à la grâce de Dieu.